Gros iceberg dans mes tripes...Juste envie peut-être de parler avec mon coeur et mon ressenti.
Trop de rancoeur.
Toute cette précarité, pauvreté, SOUFFRANCE ne sont liées qu’à un dysfonctionnement de cette société. La question est de savoir qui marginalise qui ? quand on voit qu’à une souffrance, on en ajoute une autre ou Des AutreS...qu’à une "échappée" du domicile familial pour survivre à la Violence dans sa définition la plus brute (ni voulue ni méritée), on nous ajoute -parce qu’on est majeure et sans endroit où dormir- une seconde violence : l’hôpital psy 5 mois en attendant mieux. Pas parce qu’on est malade mais parce qu’il n’y a pas mieux. c’est la solution d’accueil d’urgence que l’on m’a proposé, l’année de mon bac (que j’ai eu par je ne sais quel miracle...avec une option galère renforcée...comme j’ai tendance à dire)Qu’en penser aujourd’hui ? En étant passée par les foyers, les rdv avec assistantes sociales de l’ASE qui pensent que parce que vous avez un "petit boulot" en terminale (emploi du temps de lycéen), vous pouvez mener la barque et qu’alors on vous enlève une rame qui vous permettait de ne pas trop couler dirons nous ou d’avaler la tasse un peu moins :-S.
J’ai eu de bonnes étoiles,assez de maturité, assez d’argent gagné un été pour récupérer in-extremis les loyers impayés -par l’ase qui devait s’en charger comme ca avait été vu- ne plus rien avoir à côté à bouffer que le mur jauni du 9m2. La démerde, la misère, le frigo vide qui ne se remplit pour ainsi dire jamais et le cri de l’estomac qui hurle en voyant les vitrines de bouffe (de noel dans mes souvenirs), épicerie sociale... et la souffrance du combat mené en parallèle : celui de dénoncer toutes les violences intra-familiales. Je n’ai pas eu l’impression d’avoir été forte sur le coup mais d’avoir sauvé ma peau, il "fallait". Avec le recul, je pense que si je n’avais pas eu l’énergie sur tous les fronts, je serai aujourd’hui à crever littéralement je ne sais où, peut être même plus là tout court car vient un moment où le corps, à force de combattre finit par s’épuiser...ET ça le pire, c’est que ça réveille le souvenir d’une amie de foyer, mise à la rue à 18 ans parce qu’elle ne progressait pas assez bien dans les études et qu’on attendait mieux d’elle. Je la revois encore elle, solide comme un roc d’apparence (ce qu’elle laissait paraître) s’effondrer dans mes bras sur le trottoir.
Je n’incrimine pas la totalité des travailleurs sociaux et je respecte profondément ceux qui font merveilleusement bien leur travail avec toutes les difficultés que j’imagine bien en voyant la détresse de tant et tant de jeunes.
Mais voilà, aujourd’hui, alors que la tornade est passée, je me demande bien qui a réussit à préserver le toit pas trop penché, pas trop bancal. Dans mon cas, personne à part moi. Là où j’attendais une main tendue, j’ai eu une incompréhension, un "vous en êtes où avec ci ca ca ?" sans même indiquer la marche à suivre. Pas étonnant que les souvenirs de tornade laissent encore apparaître la pluie au bord des yeux. N’est-on pas tous être humain ? Même si neutre et distancé par un travail qui nous est propre(je pense aux travailleurs sociaux), ne peux t-on pas s’imaginer un minimum ce que ressent quelqu’un qui a subit déjà l’horreur et à qui l’on incombe des combats supplémentaires qu’elle ne peut pas porter sur ses épaules en plus de tout l’autre bordel. Et pourtant il faut. ET là j’ai l’impression de ne dire que la moitié, c’est bien ça le pire.
Quand on me dit services sociaux, je bouillonne. Et pourtant j’ai fini par rencontrer des gens compétents. Mais dans le lot restant, je n’ai su entendre qu’une chose derrière une porte "elle n’y arrivera pas."
Loin s’en faut, pas étonnant que je manque tant de confiance aujourd’hui ajoutée à mon histoire. Quand devant tant de marionnettes aux yeux cousus qui vous font de grands sourires en face et qui ne croient pas une seconde en vous dans le dos, que peut-on espérer ?
Le temps passe. 24 ans. Je ne tiens ma survie qu’à moi seule. ni la justice ni les services sociaux n’ont été à même d’être justes et ’social’...
Ce que je sais c’est qu’en parlant de ça, je me sens blasée. Blasée de la société dans laquelle je suis et dans laquelle je sais qu’il y’a d’autres personnes qui vivent des choses similaires et que rien ne change.On ne m’enlèvera pas mes souffrances. Mais je me les retire. Je n’en veux plus. Qui entend ce cri à par moi pour moi seule...personne. Ca s’appelle le silence et ca se vit. Et généralement le vide s’y mêle. et un double vide à l’incompétence de certains.
Alors j’ai décidé de vivre envers et contre tout. La justice reste sur sa balance. Parce qu’aujourd’hui je n’ai rien d’autre à faire que de saisir les petits et grands bonheurs qui s’offrent à moi. On n’a pas cru en moi mais je ne me suis pas éteinte. Je suis juste un peu étourdie mais la flamme est toujours là bien cachée...elle s’est prit un coup d’vent et d’humidité mais s’il y’a feu il y’a encore espoir...je peux en tout cas dire une chose aujourd’hui : je VIS. AU moins pour tout ce que j’ai vécu ces derniers temps d’assez fabuleux pour recommencer à "croire"...au moins au bonheur parce qu’il existe même caché sous la galère.
Je vis encore avec la précarité à 300%, mais j’ai appris à faire que mes petits et grands bonheurs soient aussi accessibles qu’une main qui aurait pu se tendre un jour... Donner, recevoir, partager...avec les gens qui ont un coeur et qui savent s’en servir.
J’ai encore écrit beaucoup...mais je crois que deux lignes m’aurait gêné devant tout ce que je contiens. Merci à toute l’équipe de Pasaj d’être là par petites mains discrètes que l’on ne voit nul part ailleurs que dans les mots pour nous aider à cheminer...Je suis bouleversée de lire cet article ce soir, sans doute parce qu’Anaig est venue me dire ce que je me martèle à l’esprit depuis des lustres : galère. Le problème c’est que je disais ça il y’a dix ans...Peut-on espérer mieux dans notre société pour aider des jeunes qui aurait voulu ne pas avoir à galérer et qui ne demande qu’à s’en sortir ? Où va t-on ?
Elodie